Compte rendu sur l'atelier agriculture, par J.M Holiet.
Après le forum du 17 mars 2012, l'atelier « l'agriculture autrement » a montré
que d'autres possibles sont mis en œuvre.
En raison de la
richesse des exposés et des argumentations échangées le présent résumé reflète une façon de les recevoir accompagnée de quelques commentaires.
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Mr B.
Biteau est agriculteur-éleveur sur le bassin versant de La Seudre (Marennes...) . Il a montré la viabilité et la nécessité de l'alternative biologique.
On observe
d'abord que son niveau de formation et ses expériences professionnelles dans les domaines environnemental, biologique, agronomique , lui ont permis de maîtriser techniquement et économiquement
son projet à partir de la reprise d'une grosse exploitation dominée par le maïs irrigué.
Il réussit
en six-sept ans une conversion biologique où l'agronomie est remise au centre du métier. On ne peut en donner ici que quelques éléments:diversification-association-rotation des cultures avec
abandon du tout maïs irrigué, réintroduction des prairies avec un élevage où bovins, ovins et équins cohabitent pour une meilleure utilisation de la « bonne herbe », replantation
d'arbres avec cultures associées, abandon du tout chimique, (faut-il le dire ?), au profit du sol vivant et d'une régulation naturelle des « ennemis des cultures » et de leurs
prédateurs etc .
On peut
qualifier ses motivations de « sociales et citoyennes ». D'autres diraient simplement que c'est une façon d'être. En effet, il a installé trois autres personnes en association. Il vend
des produits de qualité ( entre autres pour la santé) en privilégiant semble-t-il la proximité et en refusant une production de masse destinée à une exportation qui brise les chances d'une
agriculture paysanne et d'autonomie alimentaire, notamment en Afrique. Il économise beaucoup d'eau dans une région sous tension et restitue au milieu une eau « propre » tout en évitant
l'érosion des sols. Nul doute que les ostréiculteurs de Marennes aimeraient voir se généralise cette attitude.
Évidemment
Mr Biteau n'a pas fait de bilan économique détaillé mais on devine qu'il refuse la course agrandissement-matériel. Il continue d'investir ( des arbres encore) et on ne l'a pas entendu se plaindre
du niveau de vie de sa famille même si sa démarche le fait renoncer à 10% des aides PAC.
Il a
signalé un fait significatif de la reconnaissance du bien-fondé et de la de la réussite de sa démarche : il a dû résister à des propriétaires
qui voulaient absolument lui confier leurs terres. Il a fini par accepter une vingtaine d'hectares faute probablement d'un agriculteur voulant adopter sa démarche .
On ne peut
conclure sur cette dernière remarque un peu pessimiste : on fera donc facilement un détour par ce coin de Charente Maritime pour voir le paysage qu'il a façonné, et ce n'est pas
rien.
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Mr Jacky Berland est agriculteur-éleveur de porcs, en plaine, à St Martin de Fraigneau.
Documents à l'appui il a présenté l'organisation de son exploitation dont les productions végétales ont remis au centre l'agronomie sous la forme du « sol vivant » que le couple
d'agronomes Mr et Mme Bourguignon a présenté à l'automne à Fontenay-le-Comte. Sa comparaison avec la forêt qui se passe de produits chimiques ,d'arrosage et a une très bonne production de
biomasse est éclairante.
Il s'agit
donc de protéger et favoriser les processus physico-chimiques et biochimiques qui assurent entre autres le recyclage des éléments organiques et la circulation des éléments minéraux et de l'eau
dans le sol. Pour cela pas de labour et de travail mécanique des sols détruisant la faune (de la bactérie au ver de terre) qui assure le travail. Des semis directs, les racines des plantes
trouvent facilement leur chemin dans un sol naturellement aéré . De la couverture végétale permanente. Le broyage sur place des résidus végétaux qui deviennent humus par l'action de
milliards de petits animalcules que l'on peut imaginer en pensant aux milliards d'acariens monstrueux avec qui nous cohabitons dans nos chambres
à coucher...Nous avions oubliez que l'Homme vit de sa symbiose avec tous ces micro-organismes.
Donc,
diversité-association des plantations, jusqu'à quatre sur la même parcelle dont les légumineuses qui fixent l'azote de l'air. Des économies de gazole (jusqu'aux 2/3 !) à un moment où les
émissions de CO2 doivent être réduites. Beaucoup moins de produits chimiques, phytosanitaires et engrais employés de façon ponctuelle en cas de nécessité absolue. Protection des sols contre
l'érosion et la perte d'éléments chimiques naturels qui se retrouve dans nos rivières lors des fortes pluies. Restitution au milieu d'eau de meilleure qualité.
Comme dans
le cas précédent on remarque qu'il faut une bonne maîtrise technique pour réussir. Un échec sanctionné par une mauvaise récolte compromet radicalement l'équilibre financier d'une exploitation, le
revenu de la famille de l'exploitant et sa capacité à rembourser ses emprunts s'il en a. C'est une des explications du nombre limité d'agriculteurs
qui s'engagent dans cette voie.
Incontestablement cette démarche fait siennes certaines exigences citoyennes qui trouveront probablement leurs traductions dans la future PAC.
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Mme Blais (EARL La Pastourelle, Vernoux-en-Gâtine 79210) a refusé de créer un poulailler industriel de
pondeuses à 9 ou 10000 poules minimum car « 6000, ce n'est pas rentable » lui a-t-on dit ! On devine qu'elle n'a pas voulu se mettre dans la main de la banque et de l'intégrateur
qui lui imposerait ses normes et son prix. Elle fait le choix d'avoir 500 pondeuses totalement en bio en produisant la nourriture sur sa ferme. On est sûr que ses braves pondeuses connaissent la
saveur du ver de terre et de la limace. En tout cas son choix est celui de la qualité et de la proximité c'est-à-dire du lien direct de confiance avec le consommateur. C'est aussi l'apprentissage
d'un « nouveau métier » : créer les réseaux pour écouler les œufs(AMAP, etc), assurer une présence régulière sur les marchés...On a compris que ce n'était pas le choix de la
facilité mais d'une certaine liberté.
Sa
motivation évidemment sociale et citoyenne est confirmée par sa volonté réussie de créer un emploi qui a sorti une personne du chômage. Qui n'a pas envie de goûter ses œufs ? Certains disent
que « goûter c'est adopter »...
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Mr
D.Briffaud est porteur d'un projet qu'il va mettre en œuvre grâce à sa ténacité animée par des motivations également sociales et citoyennes. Il n'a pas eu le temps de détailler sa démarche mais
on a compris que lui aussi mise sur la qualité biologique et la proximité. On est sûr d'avoir bientôt sur nos marchés de belles grosses miches bien fermes et dodues issues de ses farines bio de
son blé bio, entre autres productions. Il est certain que sa filière produire-tranformer-vendre échappe comme la précédente à la grande distribution source d'un formidable gaspillage de denrées
alimentaires.
Il a
souligné une des difficultés majeures que rencontre ce type de projet venu souvent de « l'extérieur » du monde agricole établi:celui de
l'accès à la terre(4 ou 5 ha dans son cas) même quand il s'agit de récupérer une propriété familiale. On peut y voir un des effets de la course à l'agrandissement des exploitants établis doublée,
non pas d'un scepticisme, mais d'une certaine hostilité face à ces projets alternatifs.
Nous
devrions nous interroger sur le soutien que pourraient leur apporter les collectivités locales au travers d'une future PAC à gestion décentralisée donc démocratisée et d'une politique
d'aménagement qui ne s'intéresse plus seulement aux métropoles.
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Mr Pierrot
Cotron a expliqué brillamment que le travail de recherche, de conservation et de mise à disposition de la diversité des espèces animales et végétales est un enjeu vital pour nous
tous.
Il a montré
que l'appropriation marchande des espèces et du patrimoine génétique par les Firmes multinationales de l'agrobusiness spolie les paysans de leur liberté et d'un bien commun en même temps
qu'elle les soumet à leurs volonté et intérêts financiers. Elle fait peser une menace sur la production elle-même : l'usage des espèces peu nombreuses et par là sensibles à une seule maladie
peut provoquer un effondrement de la récolte même si certains disent que les laboratoires de ces FMN veillent au grain...
La
diversité des espèces est un bien commun. On peut en avoir un bel échantillon au verger conservatoire de Pétré (85400). A l'automne il s'y vend à prix modique plein de variétés de pommes. Qu'on
se le dise !
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Au total face au système alimentaire dominant, ici comme ailleurs, de type industriel
tertiairisé, intensif, spécialisé, concentré, financiarisé et globalisé nos intervenants ont bien montré qu'il est possible de faire émerger des systèmes alimentaires alternatifs de proximité
prenant en compte les objectifs économiques, sociaux et environnementaux de la durabilité.
Quant à les
renforcer à court ou moyen terme les avis semblent assez pessimistes tant les caractères culturels et structurels du complexe agroalimentaire construit depuis 60 ans le rendent imperméable voire
hostile aux innovations à la fois nécessaires, possibles et efficaces.
JM Holiet, participant au CRS de FleC. 27/03/2012
PS : La contribution des militants de Notre-Dame de Landes fera l'objet d'un article
particulier.
D’autres thèmes ont été
abordés dont un assez partiellement: agricultures productivistes et agricultures biologiques : limites de deux modèles opposées.