Dans une récente étude sur les très hauts salaires, l’Insee souligne le décalage croissant entre une minorité
de salariés du secteur privé (1 % de l’ensemble des salariés à temps
complet), dirigeants d’entreprise surtout, percevant en moyenne
un salaire annuel de 2 156 000 euros,
et le reste de la communauté salariée.
Avec la crise, ce décalage s’est probablement accru. Il faut en effet mesurer l’ampleur des dégâts en ce domaine. 2009 a été le théâtre d’une baisse historique. Pour la première fois depuis 1949, la masse salariale des entreprises non financières a reculé de 1,5 %.
Trois facteurs expliquent cet effondrement. La chute de l’emploi, en premier lieu. Les effectifs salariés ont diminué de 2,4 %, subissant une perte sèche de 43 200 postes. Une note de la Banque de France remarque que l’ajustement « s’est essentiellement opéré via une réduction des effectifs temporaires et permanents, et dans une moindre mesure via les éléments variables de rémunération ». Le salaire de base a progressé moins vite qu’en 2008 (+ 1,9 %, contre + 3 % en 2008), de plus le nombre d’heures supplémentaires a diminué de 7 % sur l’année. Par ailleurs, les différentes formes de rémunération variable (primes, intéressement et participation) ont subi des coupes claires.
À ces éléments conjoncturels s’ajoutent deux facteurs structurels. Le premier est lié aux politiques à l’égard des bas salaires conduites par les gouvernements succèssifs, qu’ils aient été dirigés par la droite ou par le Parti socialiste. Sous prétexte de favoriser l’emploi des travailleurs au bas de l’échelle des salaires, des exonérations de grande ampleur des charges sociales ont été réalisées. Si le nombre de smicards dans le secteur marchand était de l’ordre de 8 ou 9 % au début des années quatre-vingt-dix, il oscille entre 13 et 16 % depuis 1997.
Pour profiter de l’aubaine, les directions d’entreprise ont privilégié le développement des emplois autour du salaire minimum. Cela a eu pour effet de tirer toute l’échelle vers le bas.
Il est un autre facteur important et pourtant peu souvent évoqué : c’est la politique de l’Union européenne visant à maintenir un euro au taux de change élevé par rapport au dollar. Pour attirer les capitaux vers les places financières du continent, des politiques de baisse des coûts salariaux et de réduction des dépenses publiques ont été mises en œuvre un peu tout. C’est là l’une des racines de la crise actuelle qui secoue l’Europe. Pour satisfaire les marchés financiers, on veut écraser encore plus l’emploi, les salaires et les dépenses sociales des États.
Et pas seulement en Grèce, au Portugal ou en Espagne…